Les cidreries, le rituel hivernal populaire basque

C’est devenu une tradition au Pays Basque : réserver un jour de l’année, entre janvier et avril, pour aller dans une cidrerie. C’est la saison du cidre fabriqué à partir de pommes récoltées l’automne précédent. Au Pays basque, les gens vont généralement en groupeà la cidrerie. Souvent avec la « cuadrilla » (groupe d’amis d’enfance pour la plupart) et en autocar.

Il va de soi que vous boirez beaucoup : pour le plaisir de déguster le cidre, pour comprendre la différence entre les différents fûts et pour aider à digérer le menu copieux qui accompagne la boisson. Le scénario est toujours le même. Pour commencer, sur la table, nous trouvons le verre haut que nous ferons bientôt passer de kupela (barrique) en kupela. Il y a aussi une flûte de pain que nous couperons à la main et que mangerons pour accompagner chacun des plats qui nous seront servis.

Pour environ 30 euros, nous dégusterons un menu traditionnel, composé d’un peu de chorizo, d’une omelette à la morue, de morue frite aux poivrons, d’une côte de bœuf et, en dessert, de fromage de brebis (le plus courant au Pays basque est l’Idiazabal), de noix et de gelée de coings. Sur la photo, le menu typique de la célèbre cidrerie Petritegi.

Txotx! Les fûts sont à la disposition des clients pour qu’ils puissent boire autant qu’ils le souhaitent. En général, c’est la clientèle elle-même qui décide vers laquelle se diriger, toujours sous forme d’un pèlerinage multitudinaire. Au cri de Txotx ! poussé par un convive. Sorte d’appel de la jungle qui mobilise tout le groupe.

Ce mot signifie cure-dent et rappelle le petit bâtonnet qui jadis fermaient les barriques. De nos jours, les kupelas s’ouvrent facilement grâce à un petit robinet qui libère un jet fin et puissant que les gens attrapent avec leur verre tour à tour en essayant de ne pas renverser le cidre par terre. Les tonneaux classiques sont en bois et impressionnants à contempler. Leur capacité est normalement de 15 à 20 000 litres.

Pas si simple de placer correctement le verre au moment de se servir du cidre ; il vaut mieux en effet que le jet de cidre vienne frapper le verre pour apporter à la boisson la txinparta ou étincelle attendue. Il est également conseillé de remplir peu le verre et de boire le cidre d’un trait justement pour ne pas perdre cette étincelle.

Manger debout. L’expérience de la cidrerie fait partie de ces rituels dont personne ne connait l’origine exacte. Dans les cidreries traditionnelles on mange debout puisqu’elles n’ont pas été créées comme un restaurant au départ ; il s’agissait de fermes-pressoirs où était produit le cidre à vendre aux marins qui embarquaient il y a des siècles dans des voyages qui duraient plusieurs mois jusqu’au côtes atlantiques de Terre-Neuve.

Les premières informations officiellement trouvées au sujet de baleiniers basques sur cette île du Canada date de 1531. L’équipage de ces odyssées s’hydrataient en buvant 3 litres de cidre par jour. L’eau stockée n’était pas facile à conserver dans de bonnes conditions. Le cidre l’était, au contraire, et leur apportait la vitamine C nécessaire pour éviter le scorbut.

Vous voulez en savoir plus sur les expéditions de baleiniers basques ?

La production de cidre au Pays basque était par conséquent industrielle. Autrefois, les familles des zones montagneuses de Biscaye, de Gipuzkoa, du nord de la Navarre et du Pays basque français en buvaient également quotidiennement puisqu’il était difficile de se procurer du vin d’Alava et de Navarre à cause du relief montagneux du Pays basque.

L’origine de la txalaparta, un instrument typiquement basque joué sur des planches de bois qui avaient auparavant servi à presser les pommes est liée à la fête organisée antan pour la dégustation du cidre.

Connaissez-vous le son de la txalaparta ?

Sagardoa, vin de pomme. C’est pourquoi, en l’absence de vin (ardoa en euskera), les familles basques buvaient jadis du sagardoa (vin de pomme). Le cidre du Pays basque est un jus fermenté, mélange de pommes acides, amères et sucrées, avec environ 5% d’alcool. À la différence de la plupart des cidres du monde, on ne lui ajoute pas de gaz carbonique.

Astigarraga, la capitale des cidreries. Aujourd’hui la localité d’Astigarraga, toute proche de Saint Sébastien, est la capitale des sagardotegis ou cidreries puisqu’il y en a un grand nombre dans la ville. Environ une vingtaine, dont la cidrerie Petritegi qui organise tous les ans l’événement qui marque le début de la saison du txotx. En présence de nombreux médias, une personne connue de la société basque est invitée à boire le premier verre de cidre de la saison.

Le chef Andoni Luis Aduriz, la journaliste Olatz Arrieta, le cycliste Miguel Induráin, la soprano Ainhoa Arteta ou le physicien Pedro Miguel Etxenike ont été quelques-uns des illustres invités de cette dégustation où ils ont prononcé la phrase tant attendue : « hau da gure sagardo berria : » c’est notre nouveau cidre.

13 millions de litres. On produit actuellement au Pays basque quelques 13 millions de litres de cidre. Le cidre qui n’est pas consommé dans la cidrerie pendant la saison d’hiver est mis en bouteille. Il est évidemment toujours aussi bon, mais sans le rituel de le tirer directement de la kupela, je dirais qu’il n’a plus le même goût. En effet, dans une sagardotegi on fait bien plus que boire du cidre et manger. On y va également à la rencontre des autres.

 

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